L'environnement et
la santé: un lien à développer
par Nathalie Ross, M.Sc.
Qu'arrive-t-il lorsque des organismes tels
les plantes, les animaux et les êtres humains sont exposés
à une source de pollution? Quels en sont les risques, et comment
les calcule-t-on? Voilà les problématiques sur lesquelles
s'est penchée la centaine de participants au 3e Colloque annuel organisé
par le Chapitre Saint-Laurent, les 27 et 28 mai derniers, à Montréal.
Le Chapitre Saint-Laurent, fondé en 1996, est une association québécoise
affiliée à deux sociétés internationales: la
Société de toxicologie et de chimie de l'environnement (SETAC)
et la Société pour l'analyse de risque (SRA). Ce colloque
se voulait une chance unique de développement du lien entre la protection
de la santé publique (la toxicologie) et de l'environnement (l'écotoxicologie).
La biodisponibilité: au coeur du lien
Que l'on vise à déterminer les risques associés
aux terrains contaminés, à mesurer les effets d'un contaminant
chez un organisme ou à modéliser le transport d'un polluant
dans les nappes d'eau souterraine, on doit tenir compte de la "biodisponibilité"
du produit chimique. "La biodisponibilité se définit
comme le taux d'exposition des récepteurs biologiques envers le contaminant
présent dans l'environnement" affirme M. Yves Dudal, étudiant-chercheur
à l'École Polytechnique de Montréal. "Pour comprendre
ce principe, on peut s'imaginer prendre la place du récepteur biologique
et visualiser l'apport en contaminant comme une concentration de contaminant
en mouvement, dont on a accès qu'à une partie par unité
de temps", poursuit M. Dudal. Lors de ses recherches, M. Dudal a développé
un modèle d'étude utilisant des micro-organismes comme récepteurs
du pentachlorophénol (une molécule chimique entrant dans la
composition des produits de préservation du bois). Pour ces micro-organismes,
la disponibilité se décompose en biodisponibilité "massique"
et en biodisponibilité "toxique". La biodisponibilité
massique représente la quantité de contaminant disponible
à la biodégradation suite à un équilibre des
phénomènes d'adsorption et de désorption avec le matériel
géologique du sol (Figure 1). Alors que la biodisponibilité
toxique correspond au taux ou à la concentration de contaminant conduisant
à une réponse toxique chez le récepteur biologique
Des travaux qui donnent une perspective novatrice au phénomène
de biodisponibilité et répondent à des problématiques
de réponses toxiques dans l'élaboration de l'analyse de risque
en environnement.
La place de l'écotoxicologie
L'écotoxicologie est la science qui vise à déterminer
l'effet d'une contamination sur l'environnement. Alors que la toxicologie
utilise différents organismes, incluant l'être humain, pour
identifier les réponses toxiques transposables chez l'Homme, l'écotoxicologie
étudie la perturbation d'un écosystème en choisissant
des récepteurs spécifiques au milieu contaminé. Par
exemple, la survie du ver de terre est un test écotoxicologique courant
lorsqu'il s'agit de tester un sol contaminé (Figure 2). "L'écotoxicologie
est d'une extrême importance puisqu'il a été prouvé
que la décontamination d'un milieu, c'est-à-dire la diminution
de la masse de contaminant, ne se traduit pas toujours par une détoxication,
c'est-à-dire une réduction significative du pouvoir toxique"
affirme le Dr. Agnès Renoux, agent de recherche à l'Institut
de recherche en biotechnologie.
"Une difficulté rencontrée par les scientifiques en
écotoxicologie est reliée à l'assise scientifique en
développement. En effet, l'application de tests écotoxicologiques
pour l'évaluation du risque associé à un écosystème
est relativement récente, de sorte que des recherches sont nécessaires
afin d'établir des valeurs de références" ajoute
Mme Renoux. Dans cette optique, une équipe du ministère de
l'Environnement a présenté, lors du Colloque, un document
fournissant des valeurs de références écotoxicologiques
pour les récepteurs terrestres. Ces données supportent la
nouvelle Politique de protection des sols et de réhabilitation des
terrains contaminés du ministère qui exige de suivre la Procédure
d'évaluation du risque écotoxicologique pour la réhabilitation
des terrains contaminés (PÉRÉ) lorsque l'approche de
gestion du risque est choisie par le propriétaire d'un site contaminé.
"La venue de telles valeurs de références, de même
que la poursuite des recherches sur le développement de tests spécifiques
permettront une meilleure compréhension des phénomènes
d'écotoxicité et maintiendront un intérêt tant
au niveau scientifique, qu'industriel et gouvernemental", conclut madame
Renoux.
La moule zébrée comme indicateur de la qualité
des eaux?
La moule zébrée, organisme parasite commun des eaux du
Fleuve Saint-Laurent, a peut-être trouvé une fonction utilitaire
mettant à profit sa sédentarité (Figure 3). C'est du
moins une des hypothèses posées par le Dr. Yves de Lafontaine
du Centre Saint-Laurent. "En effet, la moule zébrée présente
plusieurs qualités intéressantes pour son utilisation comme
biomarqueur: elle est bien distribuée dans les eaux du Saint-Laurent,
elle est facile à récolter, elle est longévive (3 à
4 ans), filtre une quantité importante d'eau (1 à 2 litres
/ jour) et bioconcentre les polluants", soutient M. de Lafontaine.
Une étude a été entreprise sur 13 sites, s'échelonnant
de Cornwall à l'Île d'Orléans, où la moule zébrée
a été analysée selon sa réponse face à
la contamination des eaux. "Les résultats ont montré
une capacité significative de discrimination des moules face au niveau
du stress toxique des eaux. Les réponses les plus fortes des biomarqueurs
provenaient des zones fortement contaminées en produits chimiques,
tels les zones portuaires et secteurs industriels" rapporte M. de Lafontaine.
Ces résultats confirment le potentiel d'utilisation des moules zébrées
afin de déceler d'éventuels problèmes de contamination
chimique. D'autres recherches seront nécessaires afin de déterminer,
entre autres, la réponse de ces organismes à une très
forte concentration de pollution.
En bref
Le 3e Colloque annuel du Chapitre Saint-Laurent a été une
réussite technique et scientifique, mais plus encore, un succès
dans l'établissement d'un lien entre les divers intervenants des
domaines de la santé, de l'environnement, des gestionnaires de terrains
contaminés et des représentants du ministère de l'Environnement.
Pour en savoir plus sur le Chapitre Saint-Laurent et le 3e Colloque annuel,
visitez le site Internet: www.ebisoft.com/saint-laurent |