Un percement de précision
Alexander Farnsworth, Trelleborg
AB
Collaboration spéciale

À Madrid, une autoroute souterraine
va réduire les embouteillages. Tels des taupes, deux énormes
tunneliers ont avancé petit à petit, laissant un tunnel tout
prêt derrière eux.
Lorsque les urbanistes de Madrid ont compris que les embouteillages du
périphérique de la capitale paralysaient la ville, ils ont
préparé le terrain de ce qui allait devenir le projet de génie
civil le plus grand et le plus complexe de l'histoire de l'Espagne.
D'ici 2012, la ville aura investi près de huit milliards d'euros
dans le projet de la M30 pour résoudre son problème de circulation.
L'une des nombreuses solutions du projet était un tunnel autoroutier
de 3,65km passant sous le centre de la ville, parfois à moins de
6,5m d'une ligne de métro très fréquentée. Terminée
mi-2007, la section sud-est comprend trois voies dans chaque tube du tunnel
et des trottoirs de chaque côté.
Le diamètre d'excavation du tunnel devait être de 15,2m,
une première en matière de construction. De ce fait, il était
nécessaire de faire appel à un tout nouveau type de tunnelier.
"On s'est servi de deux engins, un à chaque extrémité
du tunnel. Les tunneliers sont généralement construits sur
mesure pour chaque projet", explique Erwin Brakenhoff, directeur commercial
chez Trelleborg Bakker aux Pays-Bas. "Un tunnelier coûte des
millions d'euros, mais il présente des avantages par rapport aux
autres méthodes en termes de sécurité et de planning
; en outre, il est extrêmement précis, ce qui réduit
le coût des opérations de revêtement des parois. C'est
pourquoi il est idéal en agglomération."
Alfredo Avello, directeur d'Abyo, fournisseur d'équipement de
percement en Espagne, estime que le projet M30 est le fruit d'un travail
d'équipe. "Le chantier a été géré
par la municipalité de Madrid. Deux coentreprises formées
par des entrepreneurs espagnols de premier rang ont creusé les tunnels.
De plus, d'autres prestataires espagnols hautement qualifiés ont
réalisé des travaux complémentaires très conséquents
en surface. Cela a été un plaisir de travailler avec Trelleborg
qui a fourni les joints pour isoler les voussoirs dans les deux tubes."
Savoir où et dans quoi creuser
Avant de creuser (percer disent les ingénieurs) un tunnel ou une
galerie pour trains, tramways, voitures, câbles, eaux usées
ou eau potable, il faut connaître parfaitement les conditions géologiques
et hydrauliques du terrain que le tunnel va traverser. Pour ce faire, on
prélève des échantillons ou on a recours aux technologies
d'imagerie qui analysent la propagation des ondes acoustiques à travers
le sous-sol.
La technique du percement
À Madrid, les deux tunneliers ont excavé dans l'argile
douce et dure et dans du gypse à une profondeur maximale d'environ
75 m, bien au-dessus de la nappe phréatique. En moyenne, on a creusé
environ 100 m par semaine, avec un record de 180 m.
Un tunnelier pèse quelque 4500 t pour une longueur de 114 m. Comme
une taupe, il avance petit à petit en creusant son trou. À
Madrid, des vérins hydrauliques extrêmement puissants et d'une
pression de 316 000 kN ont poussé en avant les tunneliers en prenant
appui sur la partie terminée des tunnels. L'un des tunneliers était
équipé d'un bouclier à pression de terre qui exerçait
une pression constante sur la partie creusée pour éviter son
effondrement. Le principe est similaire à la construction d'un château
de sable : plus la tour est soumise à pression, plus elle se solidifie.
Le revêtement des parois du tunnel
Au cours du forage, les parois du tunnel sont édifiées
à l'arrière du tunnelier à l'aide d'anneaux composés
de voussoirs. Au fur et à mesure de sa progression, l'engin laisse
derrière lui un tunnel tout prêt. À Madrid, chaque section
a requis des anneaux de 2 m de large et de 600 mm d'épaisseur, pesant
chacun environ 14 t. Chaque section comportait 10 voussoirs assemblés
par des boulons avec, entre chaque, des joints fournis par Trelleborg assurant
une parfaite étanchéité. Le tunnel de Madrid a été
excavé avec un diamètre exact de 15,2m. Au final, le tunnel
routier a une section de 13,45m. La différence entre les deux dimensions
provient de l'épaisseur des voussoirs et de la couche de béton
projeté entre ceux-ci et la paroi extérieure du tunnel. "Les
joints sont de taille relativement petite et représentent une dépense
mineure par rapport au coût total du tunnel, mais leur fonction est
essentielle pour assurer l'étanchéité de celui-ci",
souligne Erwin Brakenhoff.

L'évacuation des déblais
Le second tunnelier avait une tête de forage comprenant un disque
de coupe intérieure et un disque extérieur capables de tourner
dans les deux sens, l'un indépendamment de l'autre. Le disque de
coupe intérieur d'un diamètre de 7 m pouvait également
avancer et dépasser le disque extérieur si nécessaire.
Ce système unique aidait l'engin à contrebalancer l'énorme
couple au démarrage, faute de quoi le tunnelier aurait tourné
sur son axe. Au total, la tête de forage comptait 57 molettes, 332
pics, 24 raclettes et une molette centrale. Sur le tunnelier, trois systèmes
de convoyage évacuaient les déblais ou la boue, en transportant,
dans certains cas, jusqu'à 2 750 tonnes par heure vers le système
de convoyage principal installé dans les tunnels pour évacuation
finale.
Quelques tunnels d'exception:
- Avec ses 53,9 km, le tunnel Seikan au Japon est le plus long tunnel
ferroviaire du monde.
- Le tunnel sous la Manche entre la France et l'Angleterre est deuxième
avec 50 km.
- Le tunnel Laerdal (24,5km) en Norvège est le plus long tunnel
routier du monde.
- Le Lincoln Tunnel entre le New Jersey et Manhattan est le tunnel le
plus fréquenté du monde : 120 000 véhicules l'empruntent
chaque jour.
- Le tunnel de canal le plus long est le Standedge Tunnel, au Royaume
Uni (4,8 km).
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