L'écologie routière : un concept en émergence


Jean-François Dubois

Pratiquée depuis des décennies en Europe, l'écologie routière fait appel à l'innovation des concepteurs de projets routiers afin d'intégrer la dimension environnementale dès l'étape de la planification.

Comme on le sait, les routes sont à la base de l'économie d'une société. Qui dit : pas de route, dit pas de transport de personnes ni de marchandises. Bien souvent, les axes routiers ont été développés en tenant compte d'abord du contrôle des coûts et ce, au détriment de l'environnement. Avec l'accroissement de la population et la multiplication des routes, il devient opportun de s'arrêter et de prendre le temps de réfléchir sur la façon d'utiliser les terres afin de préserver un équilibre entre la nature et l'homme.

Plusieurs régions de la planète sont désormais confrontées à des problèmes de sécurité routière dûs aux animaux traversant la chaussée. Au Québec, certaines régions sont aux prises avec un problème assez sérieux de collision avec la grande faune (chevreuils, orignaux, etc.). Prenons le cas, par exemple, des routes 169 et 175 qui traversent la réserve faunique des Laurentides. De nombreuses collisions avec des orignaux sont répertoriées à chaque année. Ceci constitue donc un problème de sécurité majeur puisqu'une collision avec un orignal entraîne souvent des blessures sérieuses aux occupants du véhicule et parfois même la mort. Une analyse de la problématique a permis d'identifier que le sel de déglaçage épandu sur la route l'hiver attire les orignaux. Des mesures de diversion (mares salines artificielles) ont été immédiatement adoptées afin d'éloigner les orignaux de la route. D'autres régions du Québec éprouvent également des difficultés de cohabitation avec la grande faune comme par exemple en Estrie où l'on retrouve la plus grande concentration de cerfs de Virginie. Bien que moins graves, les accidents impliquant un chevreuil sont si fréquents et si dispersés sur le territoire que cela constitue un défi en soi de trouver des solutions efficaces. Ces collisions avec la grande faune représentent l'effet le plus tangible, mais il existe bien d'autres facettes environnementales se trouvant affectées par l'activité de l'homme.

La détérioration des habitats fauniques et des espèces y habitant préoccupe donc de plus en plus les intervenants concernés. À cet effet, la première édition de la Northeast Transportation and Wildlife Conference tenue au Vermont les 13 et 14 septembre dernier regroupait pas moins d'une centaine de personnes évoluant dans les domaines du transport, de l'environnement, de la protection de l'environnement et de la protection de la faune. Les participants, venus de tous les états du nord-est des États-Unis et même du Québec et de l'Ontario, ont échangé sur les efforts entamés dans le passé et surtout sur les objectifs à atteindre en terme de déploiement de moyens de mitigation sur les routes existantes comme sur les projets à venir. Il en ressort qu'une stratégie régionale de concertation, d'éducation et de diffusion de l'information devrait être mise sur pied afin d'insuffler une volonté sociale et politique dans le but d'intégrer une "culture écologique" à tous les niveaux de décision et de planification de projets routiers.

À l'heure actuelle et compte tenu du contexte économique que l'on retrouve au Québec, il peut sembler superflu d'investir sur des moyens de mitigation dans un souci de protection de l'environnement, mais il est primordial pour les acteurs du domaine de tenter de renverser la vapeur et de démontrer à la population que le retour sur l'investissement, en terme de sécurité et d'économie sociale, en vaut la peine.

Cet article se voulait un survol des principes et des enjeux de ce concept en émergence qu'est l'écologie routière. Au-delà de l'idéologie, l'écologie routière se concrétise par des dispositifs parfois simples, parfois surprenants, mais assurément ingénieux et qui méritent qu'on s'y attarde. C'est pourquoi, dans un prochain article, je ferai état de ces différents dispositifs qui permettent une meilleure intégration des avancées de l'homme dans la nature.

 

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