Le Weisshorn, autonomie énergétique à 2300 mètres d'altitude


Johann Ruppen, publié dans la revue suisse
Batimag gestion et services publics

 

Construit à 2337 m d'altitude pour des Anglais en 1882, l'hôtel Weisshorn domine le Val d'Anniviers, dans le canton du Valais, en Suisse. Le bâtiment d'origine, en bois, fut complètement ravagé par un incendie en 1889. Reconstruit en pierre, il est inauguré en 1891 dans sa forme actuelle.

Complètement isolé, l'établissement produit lui-même l'énergie nécessaire à son exploitation.

Une centrale hydraulique et un groupe Diesel d'appoint durant la saison hivernale couvrent ses besoins énergétiques. En matière d'eau potable, la bâtisse est également autonome.

L'exploitation de l'Hôtel Weisshorn requiert environ 22 kW. Pourtant, le célèbre établissement valaisan perché sur les hauts de Saint-Luc n'est pas raccordé au réseau électrique. Pour subvenir à ses besoins, la bâtisse produit sa propre énergie au moyen d'une minicentrale hydraulique fonctionnant 24 h/24.

"La capacité maximale de la centrale est de 30 kW avec un débit de 30 l/s", précise Urs Ammann, gérant de l'établissement et ancien mécanicien sur poids lourds. Situé sur un torrent, un barrage alimente la chambre de mise en charge de la conduite forcée. Un dégriffeur filtre l'eau avant son entrée dans la conduite. D'un diamètre de 145 mm et d'une longueur de 300 m, celle-ci rejoint la turbine. La différence de niveau entre l'entrée (2260 m d'altitude) et la sortie (2149 m) de la canalisation offre une pression de 12 bars.

La turbine produit 400 V. Elle possède six injecteurs dont quatre réglables manuellement, ce qui permet à monsieur Ammann de gérer le débit sur la turbine. Pour assurer la protection de la ligne principale, trois régulateurs de 10 kW sont installés sous la turbine. Ils absorbent l'énergie non consommée et protègent l'installation en cas de défaillance de la ligne ou du transformateur.

Un câble souterrain transporte l'énergie jusqu'à l'établissement. La tension est transformée en 1000 V afin d'éviter les pertes et les chutes de tensions importantes. À l'hôtel, un second transformateur la ramène à 400 V. À la sortie de ce dernier, un tableau de contrôle et de commande distribue l'énergie sur le tableau de répartition des charges. L'établissement est séparé en trois groupes électriques, à savoir: "cuisine", "buanderie" et "hôtel". "Le démarrage du groupe d'appoint est pour l'heure manuel, une automatisation pourrait être envisageable à l'avenir", souligne Urs Ammann. En hiver, le débit d'eau diminuant (9 à 10 l/s), la turbine produit au maximum entre 9 et 10 kW. L'une des deux génératrices Diesel (12 kW et 40 kW) est alors mise en marche afin de combler le manque d'énergie. Le groupe d'appoint fournit entre 10 et 12 kW. Il alimente principalement la cuisine, séparée des autres consommateurs. Ce procédé permet d'éviter les chutes de tension.

À noter qu'en cas d'arrêt de la turbine, la génératrice de 40 kW est en mesure d'alimenter totalement l'hôtel. Le tableau connecte également trois régulateurs de 10 kW. Ils ont pour mission de détruire utilement le surplus d'énergie. L'un d'entre eux se situe dans la chaudière, quant aux deux autres, ils se trouvent dans une cuve tampon de 3000 l.

Commandés par le chauffage, ces derniers ont la priorité sur la chaudière. Concrètement, si la maison utilise 1/3 de l'énergie produite, les 2/3 restants sont utilisés par les résistances pour chauffer l'eau. "Nous n'avons donc pas de perte!", souligne le gérant. Lorsque les installations électriques consomment la totalité de la production, les résistances sont coupées. Un brûleur à mazout prend alors le relais pour chauffer l'eau. Lors de sa mise en fonction durant la saison d'hiver 2002-2003, ce système a permis d'économiser environ 40% de la consommation de mazout, selon Ing & Tech Sàrl, ingénieurs conseils à Sion, entreprise chargée d'étudier et d'optimaliser l'approvisionnement énergétique de l'hôtel.

La centrale hydraulique actuelle remplace celle de 1990, devenue insuffisante à l'exploitation à la suite des transformations du bâtiment souhaitées par Werner Fischer, alors nouveau propriétaire de l'établissement.

Dans les années 90, les anciens possesseurs avaient opté pour ce type de production car un raccordement au réseau était trop onéreux, comme le rappelle monsieur Ammann: "Selon les offres reçues, il coûtait environ trois fois plus cher que la centrale." La production d'énergie solaire a également été écartée car les panneaux auraient nécessité une surface trop importante et il en était de même pour les batteries de stockage dont la durée de vie est d'environ 5 ans.

La centrale hydraulique est donc le système le meilleur marché. L'unique inconvénient est qu'elle n'est pas en mesure de fournir toute l'énergie consommée en hiver. "Pour cette raison, nous devons travailler avec le groupe Diesel mais, avec son rendement de seulement 30%, nous chauffons également la nature!", ironise le gérant, avant de poursuivre, "une solution plus écologique serait de remplacer les génératrices par des éoliennes, par exemple."

Aucune panne n'a eu lieu jusqu'à présent, hormis celles dues aux caprices de Dame Nature: "Un hiver, une avalanche a emporté la conduite forcée et, un été, la foudre a grillé le transformateur." La turbine ne nécessite pas d'entretien particulier. Après dix ans, les roulements de l'alternateur doivent cependant être changés.

Précisons encore que l'Hôtel Weisshorn est également autonome en eau. Située dans la chambre de mise en charge de la conduite forcée, une pompe électrique alimente une citerne de 10 m3 à 660 m du barrage. La pompe fonctionne en permanence, sa pression est de 12 bars.

Depuis le réservoir (2372 m), l'eau est acheminée à l'hôtel (2337 m) par gravitation. La dénivelée étant de 35 m, la pression exercée dans le tuyau est d'environ 4 bars à l'entrée de l'hôtel. L'eau pompée sert également d'eau potable. Un traitement UV installé dans l'établissement permet de rendre cette dernière consommable.

Hôtel Weisshorn


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