Pathogènes et parasites
dans les eaux potables & usées
par Nathalie Ross, M.Sc.
Le spectaculaire bris d'une conduite d'eau
potable survenu à Montréal en décembre 1996 a mis
en évidence une mauvaise connaissance de la qualité du réseau
ou pire encore, une gestion basée sur l'attente des crises. Un récent
rapport, réalisé par le Réseau Environnement et rendu
public dans le cadre du Symposium sur la gestion de l'eau au Québec
les 10, 11 et 12 décembre 1996 à Montréal, dénonce
que très peu de municipalités peuvent prétendre connaître
l'état de leur réseau; la plupart d'entre elles n'ayant pas
de programmes d'auscultation nécessaires. Outre les interrogations
sur la connaissance, la gestion et la pérennité des réseaux,
cet événement amène également un questionnement
sur la possibilité d'infiltrations de contaminants biologiques (bactéries
pathogènes, virus, parasites) dans l'eau potable; une des causes
potentielles d'épidémies.
Les épidémies, ce n'est pas encore "jamais"
Au milieu du 19e siècle, les épidémies reliées
aux eaux usées faisaient des milliers de victimes en Angleterre.
Cette époque coïncide avec une effervescence des connaissances
scientifiques sur le rôle des micro organismes dans les épidémies,
donnant un envol à l'implantation des usines de traitements des eaux
usées. Dans la même foulée, la "Commission royale
Anglaise sur la disposition des effluents" (British Royal Commission
on Sewage Disposal) a émis les premières normes de traitement
des eaux usées.
L'étendue des normes de traitement des eaux usées et potables
de même que la quantité d'usines assurent aujourd'hui à
la population une eau dont la qualité est rarement mise en doute.
On compte aujourd'hui plus de 505 postes ou usines de traitement d'eau potable
au Québec et les eaux usées doivent être traitées
dans une proportion de 98 % à l'aube de l'an 2000.
Par l'application de différents traitements physico-chimiques
(ex. sédimentation des particules en suspension) et biologiques (ex.
biodégradation des contaminants), les composés organiques,
certains nutriments ainsi que les parasites et micro-organismes pathogènes
(i.e. pouvant engendrer une maladie) sont réduits ou inactivés.
Néanmoins, quoique moins courantes et substantielles qu'au siècle
dernier, d'importantes épidémies causées par l'ingestion
d'eau de consommation, contaminée par des pathogènes et des
parasites, font irruption. Notons l'épidémie déclarée
dans le Wisconsin en 1993 faisant 400 000 victimes dont 104 morts (Tableau
1). Une étude américaine a montré que 75 % des épidémies
sont imputables à une désinfection inadéquate des eaux
souterraines et de surface (Figure 1).
Des résultats invitant à un ajustement des standards
de traitement
Malgré les standards de qualité en matière de contaminants
microbiologiques, la consommation d'eau potable issue d'un recyclage d'eaux
usées présente toujours certains risques d'infections. Pour
cette raison, les standards actuels sont remis en question. Ce questionnement
est appuyé, au Québec, par des résultats de recherche
notamment par une étude réalisée dans la région
de Montréal entre mai et octobre 1996, estimant que l'usine d'épuration
des eaux usées de la CUM réussit à peine à éliminer
une fraction des micro-organismes présents (Tableau 2). Ces résultats
invitent à approfondir les études étant donné
les prises d'eau potable et les plans d'eau utilisés à des
fins récréatives influencés par cet effluent.
Une autre étude sur les risques de maladies gastro-intestinales,
effectuée entre septembre 1993 et décembre 1994, sur une population
composée de 1400 familles de la région de Montréal
alimentées par la même usine de traitement, a montré
que 14 à 19 % des cas de ces maladies étaient attribuables
à la consommation d'eau potable.
La lutte contre les parasites
Les bactéries pathogènes et les virus ont été
les premières cibles pour la désinfection des eaux usées
et potables. Plus récemment les parasites protozoaires, tels Giardia
et Cryptosporidium, ont fait les manchettes en s'avérant responsables
de plus de 50 % des cas d'infections reliées à la consommation
d'eau potable (Tableau 1). Depuis, des amendements aux normes de traitement
des eaux ont été apportés pour tenir compte de ce développement
microbiologique.
La particularité des parasites protozoaires est la capacité
de former des kystes leur assurant une survie dans des conditions environnementales
défavorables pour leur développement. L'écologie de
ces organismes dans les systèmes de distribution d'eau doit être
approfondie mais il semble que la filtration et la chloration représentent
des méthodes de traitement adéquates pour leur enlèvement
et leur inactivation.
Une myriade de découvertes sur la microbiologie ont été
réalisées depuis que Pasteur a démontré l'existence
des micro-organismes, défaisant ainsi la croyance de la génération
spontanée. En mettant en perspective les risques d'infection microbiologiques
d'hier et d'aujourd'hui, l'avancement gargantuesque des techniques de prévention
d'infections est rassurant mais l'Homme aura toujours à protéger
sa planète bleue.
À consulter
- Bitton, G. (1994), Wastewater Microbiology, New York, Wiley-Liss.
- Payment, P., Fleury, C., Plante, R. (1997), Évaluation de
l'enlèvement des virus entériques humains, des parasites et
de certains indicateurs bactériens lors du traitement des eaux usées
à la station d'épuration de la communauté urbaine de
Montréal, 20e Symposium sur les eaux usées: rejets industriels
et prévention de la pollution, Montréal, Québec, Université
de Montréal.
- Payment, P., Richardson, L., Siemiatycki, J. (1991), A Randomized
Trial to Evaluate the Risk of Gastrointestinal Deasease due to Consumption
of Drinking Water Meeting Current Microbological Standards, American Journal
of Public Health 81., 6: 703-708.
- Payment, P., Siemiatycki, J., Richardson, L. (1997), A prospective
epidemiological study of gastroinstestinal health effects due to the consumption
of drinking water, International Journal of Environmental Health 7., 1:
5-31.
- Secrétariat du Comité des priorités du ministère
(1997), Symposium sur la gestion de l'eau au Québec Document
de référence, Montréal, ministère du Conseil
exécutif.
- Réseau Environnement (1997), Réseau Environnement:
Propositions pour une gestion intégrée de l'eau Gestion
de l'eau ou gestion des crises, Montréal, Réseau Environnement.
|