Quelques mots sur les marques de commerce...



Par Sylvie Lequin, avocate
collaboration spéciale.

 

De nos jours, les marques de commerce sont omniprésentes. Essentiellement, elles servent à distinguer les produits et/ou services d'une entreprise de ceux de ses compétiteurs. Bref, les marques de commerce permettent d'identifier la source d'un produit ou d'un service donné. À la limite, celles-ci peuvent même constituer une entité distincte, une idéologie recherchée et adoptée par plusieurs générations de consommateurs. Les meilleurs exemples de ce type de notoriété sont les marques et dessins COCA-COLA et NIKE.

Dans les marchés concurrentiels et internationaux, la gestion efficace de la marque de commerce est tout aussi importante pour le succès et la croissance d'une entreprise que la qualité de ses produits et services. D'ailleurs, une entreprise possède peu d'actifs aussi précieux qu'une marque de commerce renommée qui inspire la confiance. Car, qu'est-ce qu'un produit sans nom? Une chose, sans plus.

 

Alors, qu'est-ce une marque de commerce?
Une marque de commerce est un mot, un symbole, un signe, un ensemble de chiffres ou de lettres, une phrase, la forme d'un produit, un design, un dessin, ou une combinaison de ces éléments, que l'on utilise pour désigner les produits et/ou les services d'une entreprise.

À titre d'exemple, mentionnons ISO 9000, RCA, CORVETTE, l'expression "JUST DO IT", la forme de la bouteille COKE et les arches de McDONALD. Aux États-Unis, on peut également tenter d'obtenir l'enregistrement d'une marque pour des sons, comme le bruit de la moto HARLEY DAVIDSON, ainsi que pour des odeurs, comme la fragrance d'un parfum.

Une marque de commerce est une propriété intellectuelle et elle confère à ce titre des droits et obligations à l'entreprise propriétaire. La compagnie qui a une marque de commerce se distingue des autres entreprises et se protège contre la concurrence déloyale, les contrefacteurs, le passing-off et les atteintes à sa réputation. Mais surtout, la compagnie qui possède une marque de commerce se prémunit contre l'oubli du consommateur, dont la mémoire n'est pas infaillible, de ce que l'entreprise a à lui offrir.

La marque de commerce évoque donc un ensemble d'attributs que le consommateur associe spontanément aux produits ou aux services qu'il achète. Ces attributs peuvent être tangibles, comme la qualité et le prix, ou encore plus abstraits, comme le prestige et la réputation.

La marque de commerce peut même constituer un engagement de l'entreprise en matière de constance de la qualité du produit et/ou du service. Le consommateur s'attend à un niveau particulier de rendement et de satisfaction puisqu'il développe des exigences après avoir utilisé un produit ou un service, et il s'attend à toujours retrouver les mêmes qualités chaque fois qu'il achète un produit de la même marque. D'où l'importance, entre autres, pour une entreprise d'avoir des marques de commerce distinctives afin de permettre à ses clients de toujours distinguer ses services ou ses produits de ceux de la concurrence.

 

La création de marques de commerce
Idéalement, toute entreprise désire que le consommateur soit en mesure d'identifier et de reconnaître dès le premier coup d'oeil les biens et services qu'elle lui propose.

D'une façon primordiale, une marque doit être distinctive. Si la marque est un terme, celui-ci doit être facile à mémoriser, à écrire et à prononcer. Selon la nature du commerce de l'entreprise, il est important de tenir compte des significations phonétiques et internationales ou des connotations implicites de la marque. Par exemple, la voiture NOVA de la compagnie Chevrolet n'a pas été bien reçue dans les pays de langue espagnole puisque le terme "no va" signifie "does not go - ne va pas"!

En ce qui concerne les marques visuelles ou les dessins, ceux-ci doivent aussi être distinctifs. Par exemple, une compagnie d'import-export qui utiliserait une marque formée d'un terme et d'un dessin de globe terrestre ne se distinguerait pas particulièrement en utilisant ce globe puisque c'est un dessin très répandu dans l'industrie du transport, des télécommunications et de l'import-export.

Plus particulièrement, il existe quatre catégories de marques de commerce, établies ci-après selon leur niveau croissant de difficulté d'enregistrement et de protection:

  • les noms inventés et les dessins originaux;
  • les noms et les dessins arbitraires;
  • les noms suggestifs ou associatifs; et
  • les noms descriptifs.

 

Noms inventés et dessins originaux
Ce premier type de marque ne bénéficie d'aucune signification particulière, hormis l'association qui se crée entre les marques et les produits auxquels celles-ci sont liées. Ces noms inventés et ces dessins originaux servent de marques distinctives et fortes.

La marque KODAK (films), EXXON (stations-essence) et XEROX (photocopieurs) en sont de prestigieux exemples. Il est à noter que certaines lettres produisent un effet plus marqué, comme les lettres K, R, D et X. Depuis quelques temps, une lettre très utilisée est le "e" minuscule, comme dans la marque "e" de IBM ou de la compagnie Eaton et depuis quelques années, les dessins évocateurs de mouvement sont très populaires.

La marque inventée est très facile à enregistrer et à protéger mais l'entreprise doit patienter et investir beaucoup de temps et d'argent avant de constater que la marque est fixée profondément dans l'esprit du consommateur.

Par ailleurs, ce genre de marque, dont les termes n'ont aucune signification propre ou littérale est très recommandée à l'ère de la mondialisation des marchés et de l'internationalisation des symboles.

 

Noms et dessins arbitraires
Ces noms et dessins n'ont aucun rapport avec le produit et/ou le service auquel ils sont liés. À titre d'exemple notoire, mentionnons, entre autres, la marque APPLE et son dessin d'une pomme (ordinateurs) ainsi que les marques CATERPILLAR (moteurs, machineries lourdes) et BORÉAL (bière). Ce type de marque est également facile à enregistrer et à protéger.

 

Noms suggestifs ou associatifs
Certaines marques sont suggestives, c'est-à-dire que leur appellation évoque un avantage que procure le produit ou le service auquel elles sont liées sans pour autant décrire l'avantage en question ou encore les qualités dudit produit ou service. Les marques V8 (jus constitué de huit légumes différents) et MEMOREX (cassettes d'enregistrement) en sont des exemples.

Ce type de marque est plus difficile à enregistrer et à protéger puisqu'il faut parfois convaincre le régistraire des marques de commerce de son caractère uniquement suggestif, et non pas descriptif. En effet, une marque ne doit pas généralement être descriptive.

 

Noms descriptifs

Cependant, il arrive que certaines marques de commerce soient descriptives, c'est-à-dire qu'elles décrivent les produits et services auxquels elles sont liées ou encore une de leurs qualités ou caractéristiques. Ce genre de marque évite à la personne qui la regarde d'interpréter ou encore de deviner la qualité ou la caractéristique particulière du produit ou du service en question. À titre d'exemple, la marque GODET HYDROLIK, pour une excavatrice , ne serait pas enregistrable. Au même titre, il n'est pas recommandé d'enregistrer des termes descriptifs pouvant constituer une variation ou un ajout à la marque principale, tels "extra", "spécial", "super", etc.

Les noms descriptifs sont les plus difficiles à enregistrer et à protéger. De plus, il ne suffit pas de modifier l'orthographe d'une marque descriptive pour qu'elle puisse être protégée. En effet, pour obtenir l'enregistrement d'une marque descriptive, il faut démontrer et prouver au régistraire que la marque a acquis au fil du temps une réputation et une notoriété et ce, habituellement grâce à un coûteux programme de publicité et de marketing et à un important volume de ventes.

 

Termes génériques

Les termes génériques et les mots ordinaires et purement descriptifs d'un produit ou d'un service ne sont pas enregistrables comme marques de commerce. Cependant, il est important d'en faire mention car plusieurs termes génériques utilisés de nos jours découlent d'anciennes marques. Les mots "aspirine", "kérosène", "thermos" et "kleenex" en sont de bons exemples.

Ces marques de commerce devenues termes génériques constituent des pertes d'actifs et de profits pour les compagnies qui en étaient propriétaires car lorsque le consommateur utilise une marque de commerce à titre de terme générique, celle-ci perd sa distinction et la compagnie détentrice perd son exclusivité sur son utilisation.

 

Recherches de disponibilité
En terminant, soulignons qu'en matière de création de marques de commerce, le marketing et les enjeux juridiques sont des aspects importants à considérer. D'ailleurs, après la création de la marque de commerce, l'entreprise doit procéder à une recherche de disponibilité afin de s'assurer que personne au Canada n'utilise déjà sa marque de commerce ou une marque similaire.

Les recherches de disponibilité sont assez exhaustives et comportent des références aux marques déjà enregistrées ainsi qu'aux noms d'entreprises et aux marques de Common Law (trade names); elles renvoient également à l'internet ainsi qu'aux dictionnaires et aux Trade Directories. Selon les intentions commerciales de l'entreprise, une recherche peut être effectuée à travers le Canada ou encore dans plusieurs pays.

Enfin, la protection accordée par l'enregistrement d'une marque de commerce est une protection territoriale. Une entreprise doit donc établir avec soin son budget, ses coûts et sa stratégie commerciale avant l'enregistrement d'une marque de commerce dans un pays étranger. Certaines entreprises déposeront des demandes d'enregistrement dans tous les pays où elles pensent pouvoir développer un marché d'affaires. Il va sans dire qu'il est de l'intérêt d'une entreprise d'exploiter une marque de commerce seulement après avoir effectué une recherche de disponibilité sinon elle risquerait de consacrer des sommes inutiles à l'implantation d'une marque appartenant déjà à un tiers. L'utilisation de la marque d'un tiers peut également avoir comme conséquences des poursuites judiciaires et des réclamations en dommages.

Par ailleurs, il incombera toujours au propriétaire d'une marque de commerce de surveiller son marché et il sera également de sa responsabilité d'entreprendre les mesures judiciaires qui s'imposent s'il découvre qu'un tiers utilise sa marque de commerce enregistrée ou un nom commercial créant de la confusion avec la sienne. En effet, les marques, éléments essentiels à l'identité et à l'image d'une entreprise, méritent d'être soigneusement concues et ensuite rigoureusement sauvegardées.


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