Les grands chantiers du siècle :
Brasilia, une capitale conçue sur mesure



Par Sylvain Lafontaine

 

Cette chronique a pour mission de présenter de grandes réalisations humaines qui ont un impact significatif sur le développement de certaines régions du monde. Fin de siècle oblige, nous accorderons une importance particulière sur les projets qui ont marqué le 20e siècle tant par leur utilité que par l'ampleur des travaux nécessaires à leur érection.

 

Située à plus de 2000 km à l'intérieur des terres et à 1100 m d'altitude, Brasilia, la capitale du Brésil, étonne par sa situation géographique, son architecture et son tracé urbain audacieux. Ville récente - elle fut construite entre 1956 et 1960 - la capitale de cette nation géante d'Amérique du Sud fut déclarée Patrimoine Culturel de l'Humanité par l'UNESCO en 1987 et est devenue le fer de lance du développement du Brésil.

L'idée de l'édification de Brasilia date de 1823. À cette époque, la capitale du Brésil était située à Rio De Janeiro sur la côte de l'Atlantique et le pays venait de fêter la première année de la proclamation de son indépendance. Plusieurs raisons incitaient les Brésiliens à déplacer la capitale de leur jeune nation: la crainte des invasions (le Brésil fut à plusieurs reprises envahi par les Français, les Hollandais et également par les Portugais peu après que cette nation eut proclamé son indépendance); le désir de développer le cur du pays pratiquement inhabité et ainsi soulager le littoral surpeuplé; finalement, pour des raisons de sécurité intérieure (il est plus facile de prévenir et contrôler les risques d'émeute dans une ville de dimension réduite que dans une mégalopole de l'ampleur de Rio de Janeiro).

Il fallut toutefois attendre en 1891 pour que le projet de déplacement de la capitale soit inscrit à l'intérieur du texte de la constitution du pays.

Il s'écoula cependant 65 ans avant que le président Juscelino Kubitschek aille de l'avant avec l'édification de la nouvelle ville dont le site fut choisi sur un haut plateau semi-désertique occupant le versant méridional du bassin amazonien. Deux architectes brésiliens furent sélectionnés pour concevoir la cité : Oscar Niemeyer, un ami personnel du président, et Lucio Costa, un architecte sélectionné au terme d'un concours. Ceux-ci choisirent un plan cruciforme, en référence à la chrétienté et pour des raisons d'ordres pratique et fonctionnel. Deux grands axes furent établis comme squelette de la ville, un axe nord-sud long de 10 km à vocation principalement résidentielle et un axe est-ouest long de 6 km qui compose l'artère politique et monumentale de la ville. La voie nord-sud est bordée de 30 quartiers d'habitation, chacun composé d'immeubles en béton de 6 étages qui sont regroupés quatre par quatre, à proximité de terrains de sports, d'écoles et d'une église. L'influence de l'architecte français d'origine suisse Le Corbusier est manifeste comme l'atteste l'utilisation massive du béton et de l'utilisation de pilotis dans l'architecture d'un grand nombre de monuments. Afin d'ajouter une touche typiquement brésilienne, des carreaux de faïence bleue et du marbre furent utilisés pour l'ornementation de certains monuments. L'architecture moderne, fonctionnelle et osée de Brasilia est une démonstration éclatante de tout un courant architectural de la fin du 20e siècle.

Brasilia n'est pas la première ville à avoir été planifiée pour devenir la capitale d'un pays. En effet, Washington (États-Unis), Canberra (Australie) et plus récemment Islamabad (Pakistan) furent des cas similaires. Toutefois, contrairement à Brasilia, toutes ces cités furent construites à des distances relativement proches de villes importantes déjà existantes. Quant à Brasilia, elle se retrouve au centre de la vaste région quasi-inhabitée et la ville importante la plus proche, Sao Paulo, est située à 870 km.

Plus d'un demi-siècle plus tard, une question se pose : la construction de la capitale brésilienne est-elle un échec ou un succès? Si l'on considère les raisons originales ayant conduites à sa réalisation, nous pouvons considérer ce projet comme un succès.

Aujourd'hui, Brasilia est une agglomération de plus de 2 millions d'habitants et constitue de nos jours le grand pôle d'attraction du centre du pays au niveau social et économique.

Toutefois, en ce qui concerne la planification urbaine de la cité, plusieurs fissures apparaissent dans le modèle utopique de ses concepteurs. Surpopulation (la ville était conçue pour contenir à son apogée 500000 habitants), quartiers résidentiels centraux hors de prix, expansion démographique anarchique ayant contribué à la création de cités satellites constituées de bidonvilles à l'intérieur desquels vit la majorité de la population de Brasilia, transports publics inefficaces - font de Brasilia un succès mitigé où l'on peut retrouver le meilleur et le pire du Brésil moderne.

 

Références:

 

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